Saisonnalité, rêve absolu ou jusqu’au boutisme saupoudré d’une dose de marketing ? Un peu de tout cela sans doute et en complément un réel besoin servit par un conformisme voire un conservatisme. A la vue du nombre toujours grandissant des questions sur l’accessibilité du format PDF (Portable Document Format), il est – au moins possible – de considérer qu’un besoin est toujours là et que les réponses – aujourd’hui – ne doivent pas être suffisantes, applicables ou universelles… J’avoue humblement avoir été un ardant promoteur du format PDF et de l’outillage OCR (Reconnaissance Optique des Caractères) associé à une époque où le besoin d’interopérabilité documentaire était fort mais malheureusement encore un fantasme.
Le format PDF nous a permis – au siècle dernier – de répondre à des besoins de diffusion de l’information mais les temps changent et certaines technologies ou formats cessent de répondre aux besoins ou pour être plus juste, les besoins ont grandement évolués. Je me suis déjà exprimé longuement sur ma position quant à la « non accessibilité du PDF ». Parfait mais tout cela n’apporte pas de réponse (si ce n’est aux obsessionnels de l’accessibilité du PDF) et je comprends l’obsession de certains à permettre à ce format d’être réellement universel. Le besoin de qualité, pérennité, accessibilité, en bref d’universalité avec un cycle de production simplissime existe. La réponse à cette expression de besoin semblait assez pauvre…
Un monde en marche
C’est sans compter avec une évolution forte qui secoue le monde de l’édition : le livre numérique (et un de ses corolaires, l’encre électronique). Qu’est-ce que le livre numérique ? La tentation de suivre le modèle musical et ainsi offrir à chacun un nouveau mode de consommation de l’information de l’édition (littérature, beaux livres, guides, etc.). Le livre quitte son cocon de papier. Technologiquement, quels sont les impacts ? La poussée de l’encre et du papier numérique (souple et en couleurs !), des liseuses de plus en plus confortables, voire intégrées aux outils existants. Reste la question du format. L’approche basique du formidable projet Gutenberg est insuffisante. Revient la tentation du PDF (avec toujours plus de problèmes), des initiatives de niche (Daisy) et puis un format dédié : epub.
Mes différentes activités m’ont amené récemment à chercher une solution afin de permettre la publication numérique de beaux livres (grandes images, doubles pages, mises en page soignées, une relation forte entre la mise en page et le format de l’objet livre, etc…). J’ai donc regardé de plus près le format epub. Et là , quelle ne fut pas ma surprise : le même modèle que OpenDocument : un paquet englobant différents fichiers tous normés avec des données documentaires, une gestion propre des images ou ressources (incluant le chargement des typos) et un contenu en xHTML + CSS… Quoi ? il serait possible d’appliquer ce que l’on connait en terme d’accessibilité et d’interopérabilité des espaces Web à tous types de contenus ? En somme, le meilleur des 2 mondes ? La réponse semble être positive en modifiant certaines approches et en considérant – pour les beaux livres – la double page comme l’unité de lecture.
Une solution universelle ?
Oui mais pas encore tout à fait. Si l’on considère le format en lui même, tout est là dans une forme de perfection des langages descriptifs structurés.
Si l’on considère l’universalité, passer de epub à Daisy n’est pas un problème, l’approche globale XML est là pour cela.
Si je regarde les tests sur des ouvrages sans concession, aucun problème.La situation est moins évidente lorsque l’on regarde du coté de l’outillage logicielle. Du coté génération, c’est le grand, l’absolu désert, les outils existants sont fait pour générer de l’e-book au kilomètre. Parfaits pour du roman et totalement inadaptés pour le reste. Calibre m’est apparu comme inutile (je suis preneur de tout avis contraire dans le contexte), l’export à partir de la version CS5 de InDesign est pitoyable (une vraie fausse promesse) : produire un fichier technique au format epub est insuffisant. La seule solution que j’ai trouvé est une approche artisanale et manuelle ; assez rapide mais pas acceptable dans une approche industrielle. Quoi que ! Les beaux livres sont montés dans inDesign au kilomètre à partir d’une maquette réalisée par un D.A., à la vue du coût relatif du montage epub (en regard de tous les autres coûts pour la réalisation d’un livre), la solution n’est peut-être pas si aberrante..
La recherche d’une réelle industrialisation de la solution devra passer par une éducation des intervenants et une réelle qualité de l’export. Pas si simple.
L’autre point sombre – et pas des moindres – est la qualité de rendu des différents logiciels de lecture de l’epub : c’est pitoyable (encore ?!). J’ai comparé la lecture des métadonnées et le rendu du contenu en prenant comme référence le rendu du code xHTML+CSS dans un navigateur Web. Dans 80% des cas, le rendu est faux, chaotique avec une non prise en compte des CSS (dans leur expression epub). Restons optimistes, la demande et l’évolution du marché semble aller dans le bon sens, l’explosion du marché des tablettes devrait encore facilité la donne…
Globalement, la situation est très intéressante. En effet, pouvoir utiliser un format de contenu capable à la fois d’embarquer l’ensemble des éléments nécessaires (fond, forme et contexte) qui utilise un format ouvert et pérenne permettant d’embarquer des éléments sémantiques est une excellente nouvelle. De plus si l’on considère que ce format a été assemblé afin de permettre à l’industrie du livre de réellement franchir le pas du numérique, son usage ne pourrait qu’en être facilité. Enfin, la nature même du format de contenu contient tous les éléments afin de garantir l’accessibilité.
Cachez ces archives que je ne serais relire
Confronté à la problématique (et le mot est trop faible) de l’archivage numérique, il me semble qu’epub remporte haut la main en regard d’un format tel que le PDFa, format fourre-tout et dont le succès me semble plus lié à une totale méconnaissance des utilisateurs pollués par un battage marketing qu’à une réelle adéquation aux besoins.
Industrialisation de l’universalité
Bien entendu la situation n’est pas parfaite et les problèmes rencontrés sont les mêmes que pour les autres formats : la qualité de production, de balisage structurel et sémantique et un export suffisant et nécessaire de ces éléments à partir du logiciel de production (documents bureautiques, documents PAO, etc.). Par contre le format possède tous les éléments pour répondre aux besoins avec une structure ouverte et la capacité d’être lu, produit ou modifié à partir d’un simple éditeur de texte.
En conclusion
Il m’apparait comme plus intéressant de rechercher une solution contemporaine adaptée nativement aux besoins que de tenter désespérément de faire faire tout et n’importe quoi à des formats fermés vieillissants qui n’ont jamais été créés pour cela et dont l’évolution semble plus dictée par une nécessité marketing que la réponse réelle aux besoins.
Si l’ensemble des acteurs pouvaient consacrer autant d’énergie à industrialiser et outiller des solutions porteuses et pleines de sens qu’à s’accrocher à des solutions anciennes qui n’ont comme qualité que le poids de (mauvaises) habitudes, nous aurions sans doute déjà des solutions satisfaisantes, élégantes et pérennes.
Je continue les tests…